Sans blessures apparentes
Sélection Elle, avril 09, DOCUMENT
de Jean Paul MARI … Note : 18/20
Je suis grand reporter.
Trente ans que je couvre les guerres du monde. Au début, je ne savais pas ce qui m'attendait. Massacres, charniers, tortures et viols. J'ai plongé dans la nuit. Très vite, j'ai remarqué ces hommes que la guerre a rendus fous: héros terrorisé par ses cauchemars, ancien commando soudain muet ou vétéran qui se tire une balle dans la bouche. Ce mal, étrange, est aussi répandu que tabou. Rwanda, Bosnie, Irak, Algérie, Vietnam, Liban.
De partout, des hommes reviennent brisés. Depuis ce jour où ils ont rencontré la mort, dans la gueule d'un fusil, le regard d'un ennemi ou les yeux d'un ami. A Bagdad, mon hôtel a reçu un obus. J'ai vu un confrère couché sur la moquette. A la place du ventre, il y avait une tache blanche et nacrée. Alors j'ai commencé une enquête qui m'a mené dans plusieurs pays. J'ai interrogé les combattants et les psychiatres, fouillé les livres, la peinture et les films, l'ethnologie et la mythologie.
Une chose est sûre: si on n'affronte pas la douleur de la guerre, elle nous tue. Il faut plonger en nous-mêmes et se reconstruire pour trouver la guérison. Oui, on peut en mourir, survivre et revivre. Et ce mal ne nous parle que de vie et d'humanité. Ceci est ma plus grande enquête.
Commentaire :
Superbe , remarquable.
Beaucoup plus qu’un livre rangé dans la série des documentaires, " Sans blessures apparentes " est un récit où l’auteur nous fait plonger dans l’univers de ceux qui vivent la guerre et qui finissent par confondre son univers de cauchemar avec la condition humaine.
Plus juste qu’un livre d’Histoire , plus émouvant qu’une histoire romancée, on peut enfin palper ce que veut dire " la guerre " pour ceux qui ,comme moi, ne connaissent que la paix.
On parle ici de survivants de la guerre qui en arrivent à regretter d’avoir survécu. L’auteur leur donne sa voix car à travers son écriture il fait résonner la voix des morts laissés sur le champ de bataille, mais il témoigne aussi de l’inhumanité des combats trop souvent étouffée.
Si " écrire c’est brûler vif " pour Jean Paul MARI,, le lire c’est vivre et vouloir se battre pour la paix.
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